8 septembre 2010

Double découverte : Le film "Two Lovers" et la plume magnifique de Corinne


Comme le dit très justement Jean-Christophe Féraud dans son dernier billet, on développe parfois d' "étranges liens sociaux" dans le "grand village digital". Ces liens, dénués du carcan des strattes sociales et géographiques, sont parfois drôles, parfois émouvants, parfois agaçants, parfois tout cela en même temps. Ce à quoi je ne m'attendais pas lorsque j'ai débarqué (le 18 décembre 2009) dans la jungle du web 2.0., c'est que ces liens peuvent devenir très constructifs malgré la distance. Et en voici un joli exemple.


Je vous présente Corinne, qui manque à ma blogosphère

Quand, au hasard des méandres des citations et des follow friday de Twitter, j'ai commencé à suivre les tweets de Corinne, j'avais bien vu qu'elle était de toute évidence une jeune femme talentueuse, mais je ne me serais jamais doutée que je découvrirais, 140 caractères par 140 caractères, toute une profondeur, une richesse culturelle et sentimentale, et même une référence amicale à la fois forte et douce.

Ah, Corinne ! Tu sais à quel point je pense que tu serais une blogueuse magnifique, à la fois follement éprise de la vie et hyper-réaliste ! Tu sais écrire, tu as un coeur, tu connais le prix de la liberté, et tu nous le montres à tous ici, dans cette magnifique critique du film de James Gray, qui te vaut une invitation permanente sur ce blog pour n'importe quel billet sur n'importe quel sujet que tu voudrais couvrir. Encore merci !

Isabelle




Corinne vous présente le film TWO LOVERS de James GRAY et vous donne envie de le (re)voir

Un film qui déglingue le palpitant

C’est difficile pour moi d’évoquer ce Two Lovers… mon FILM DE L'ANNEE 2008 et l’un des plus beaux films d'amour que j'ai vu depuis pffiouuuu une grosse décennie (film qui s’est inexplicablement planté au Box office Us qui y a vu un énième film pour la St Valentin ou à Cannes qui l’a ignoré de façon incompréhensible aussi. Voilà pourtant une œuvre qui perturbe les femmes et les hommes (surtout?) durablement.
  
Coup de poing émotionnel, coup immense dans la "gueule" à l’âme et au cœur diront certains parce qu'on a tous ressenti des choses rares et fortes en le voyant... Et comme d'habitude honte sur l'affiche française mochissime… J’ai vu ce film le premier jour de sa sortie avec mon partenaire de jeu et des amis c’était un mercredi, le 19 Novembre 2008 exactement…(puis une autre fois et une autre une dizaine en tout de mémoire…) avec le même bonheur intact à chaque visionnage, le même malaise aussi et la même envie de dépiauter le film encore et encore. Two Lovers est arrive à égaler l’intensité de ‘’The Yards’’ polar crépusculaire magistral. Avec Joaquin Phoenix (déjà) et Charlize Theron brune et qui demeure mon œuvre de chevet de James Gray favori.. Exit armes et violence ici ou plutôt place à la plus belle des violences, celle des sentiments…

Le dilemme amoureux, un homme torturé (Joaquin Phoenix/Léonard), deux femmes (Gwyneth Paltrow / Michelle et Vinessa Shaw/Sandra) dans sa toile sur fond de chronique familiale aussi. Un parfum des Nuits Blanches de Dostoïevski… Triangle amoureux époustouflant, variation magistrale sur un thème connu que d'aucuns diront éculé et que l'on a tous caressé de près ou de loin un jour. Les personnages complexes sont délicatement croqués, tant et si bien qu'on ne les lâche pas du regard, qu'on se glisse dans leur peau qu’on a le palpitant déglingué, la boussole qui s’affole au gré des scènes, l'empathie est totale. Parce que des souvenirs refont surface, parce que les visages se crispent dans le noir, parce que les larmes perlent aussi.







Amateurs de bluettes, passez votre chemin

Joaquin Phoenix livre une performance tétanisante, marquante (pourquoi abandonner le ciné pour la déglingue musicale, pourquoi?). Il est poignantissime, à fleur de peau (pas mal d’hommes s'y sont reconnus, et bordello il me fait penser à quelques intimes et à quelqu'un en particulier c'est dingue un être très très cher… et quelques-uns sont ressortis heureux mais mal à l'aise de la séance), Phoenix/Léonard: son regard vert de chien fou écrasé par la tristesse, la solitude, la mélancolie et le mal-être, ses démons en bandoulière, la silhouette un poil lourde, la démarche heurtée voire maladroite, son air un peu évaporé, cette façon de se dérober du monde qui l'entoure… On a l’impression qu’il pourrait se foutre en l’air à chaque minute, à chaque plan presque et pourtant… Son jeu est d’une intensité hallucinante, animale voire sexuelle et tout en retenue, en pudeur aussi à la fois awww c'est un régal total! Troisième association avec James Gray (après The Yards et We Own The Night) et troisième réussite sur une partition inattendue... la plus belle aussi.

Les femmes ne sont pas en reste: d’un côté, Gwyneth Paltrow/Michelle (qui trouve son plus beau rôle depuis celui de la famille Tennenbaum de Wes Anderson à mon sens),irradie , elle est à tomber de beauté et de mystère dans un personnage attachant, fantasque, fragile et paumé jusqu'à la moelle qui se livre corps et âme) Et de l’autre, Vinessa Shaw/Sandra (sculpturale, douce et diaphane, elle a envoûté les mâles ), la blonde et la brune le feu et la glace, les deux étoiles qui tournent autour de l'astre incontrôlable Joaquin/Léonard

Elles sont belles et touchantes dans un registre différent : l'ombre et la lumière, le fantasme ou la réalité. Léonard a le choix de demeurer dans sa communauté (juive new-yorkaise) faire plaisir à la famille et opter pour Le confort amoureux, mais plan-plan et se consumer d’ennui à petit feu ou au contraire choisir l’aventure, l’excitation l’élixir passionnel, se consumer d’amour et perdre pied mais en ayant vécu vraiment… Isabella Rosselini/Ruth est parfaite également à l'instar du reste du casting en mère qui comprend trop bien trop vite le désarroi de son fils et l’imbroglio dans lequel il est... (la scène de l’escalier est indescriptible)


La mise en scène de James Gray est à d'une classe insensée, à pleurer de bonheur; ce sens du détail et du cadrage c'est fou, presqu'inhumain si j’ose dire. La scène d'ouverture est vertigineuse, inoubliable, ma rétine ne s'en remet pas. La caméra virevolte sans emphase, sans effet too much, elle caresse les visages, frôle les corps qui s'étreignent (la scène du toit mais wowwwwwwww scène d’amour mythique, coït sauvage, intense et fulgurant: l’amour fou montré et ressenti à l’écran comme rarement), la caméra essuie les larmes et ranime un poil la vie sur des visages éteints, capte la moindre étincelle d'émotion.. Bien plus, la photo du film est magnifique..les clair-obscur créent un climat mystérieux, intimiste, funèbre et envoûtant à souhait.. fixant certaines scènes comme si elles sortaient d'un rêve (sensation divine de spectateur)

Pfffiou James Gray donne chair à la douleur, au malaise amoureux, ce genre de chose qu'on arrive rarement à articuler avec des mots, et ce, avec une maestria époustouflante. C’est léger, c’est grave, c’est un immense film planqué dans un film faussement anodin.

Exit pathos ou attrape larmiche lourdingue, amateurs de bluettes sentimentales à ou de mélo avec happy end moisi passez votre chemin, ici les dérives sentimentales , les hésitations , les atermoiements les renoncements des personnages sonnent vrais… Aucun manichéisme, pas de salope ou de salaud carabiné. L’écriture, les dialogues sont subtils, maîtrisés et voguent sur un canevas à priori classique pour accoucher d'un film d'amour dévastateur, sublime, bouleversant, foutrement élégant, d'une noirceur absolue aussi surtout même qui m'a laissée au bord des larmes (J’ai flingué mon mascara pour dix bonnes année je crois).

Donc, pourquoi (re)voir Two Lovers ?

Parce que le moindre geste, le moindre regard balaie une palette d'émotions folles, comme ça sans y toucher. Parce qu'il n'y a pas de jugement, ni de morale à deux balles, pas de cynisme, pas d'ironie malvenue, parce que ce film ravive des souvenirs enfouis (récents et plus anciens aussi…), parce que New-York est diablement filmée (aussi fabuleusement que chez Woody Allen au hasard parmi les cinéastes amoureux transis de la Big Apple), on sent la ville vivante, respirer sur grand écran, la caméra se faufile dans le dédales des appartements new-yorkais puis nous plonge dans sa faune urbaine si pressée et s’attarde sur ses fameuses bouches d'égout fumantes et COINCIDENCE, les lieux renvoient aux états d'âmes des héros.


Parce que James Gray n'a pas fini de m'étonner et de m'émouvoir, parce qu'il n'est pas le meilleur pote de David Ficher pour rien. Parce que la scène de fin est somptueuse, cruelle et implacable aussi parce que le destin ne tient pas à grand-chose finalement, parce que le destin est une petite pute parfois. Parce que c'est un film rare et touchant, d'une beauté absolue tout simplement porté par des acteurs en état de grâce, parce que ce film me (nous) hante encore, parce que j'ai envie de bégayer chef d'œuvre... et que je vais y retourner plus tard c'est sûr une onzième fois avec lui (oui, lui qui s’est reconnu un peu plus que les autres ce fameux mercredi soir de Novembre 2008... et qui a su me retenir plus longtemps que les autres aussi... jusqu’ici…)


Corinne LGT
(Retrouvez-moi sur Twitter)

17 août 2010

Mon hommage au Quai de Ouistreham : petits chefs, je vous méprise

L'intime et le public

En commençant ce blog, je n'avais pas perçu à quel point bloguer sur la société, c'est nécessairement se questionner très souvent sur le niveau d'intimité que l'on veut - ou que l'on peut - partager avec son lecteur. Jusqu'à présent, à cette question qui me revient en ritournelle à chaque fois que je sélectionne le champ "nouveau message" sur Blogger, j'avais répondu : juste un petit bout. J'ai donné assez d'éléments personnels pour humaniser l'écriture, mais pas suffisamment pour vous donner la moindre idée de qui je suis vraiment, et encore moins d'où je viens.

Les journalistes ont, j'en suis sûre, ce genre de problématique, mais ils sont enrichis par moult cours et vade-mecums pour la résoudre. Et surtout, ils sont payés pour laisser leur vie privée dehors, et être les arbitres des hors-jeu de la société (y parviennent-ils ? C'est un autre débat que j'ai partiellement dégoupillé ici il y a quelques semaines).

Pour une fois, et je dis bien pour une fois, je soulèverai un peu plus le voile, tout simplement parce que j'ai été très touchée par la lecture du Quai de Ouistreham de Florence Aubenas, et parce que j'ai quelque chose à y ajouter qui nécessite que je me raconte un peu.

Aubenas ne fait pas dans l'intimisme,
Et c'est tant mieux

Ce n'est pas l'histoire d'une journaliste parisienne qui se fait passer pour une chercheuse d'emploi

Je ne vais pas vous faire la revue ni le résumé du livre de Florence Aubenas : beaucoup l'ont fait, à sa sortie il y a quelques mois, bien mieux que je ne pourrais le faire. Mais je souhaite vivement répondre à une critique que j'ai entendue récemment, que Florence se mettrait en valeur, qu'elle "incarnerait" les gens dont elle parle et que ce n'est pas bien, parce qu'elle jouerait à "vis ma vie de pauvre". C'est peut-être l'impression donnée par certaines revues de son livre (?), mais c'est archifaux.

Florence Aubenas ne fait pas un trip bourgeois chez les miséreux : avec sa plume, elle prend la photo, de la manière la plus neutre possible, d'un monde qui n'a pas de voix, parce qu'il est trop humilié pour en avoir une. Elle prend la photo d'un monde qui bien souvent n'a pas d'appareil photo, et qui, si même il en avait un, considèrerait que prendre des photos est un luxe, une distraction à la survie.

Avait-elle le choix entre faire des interviews de tous ces gens plutôt que de se faire passer pour l'une d'entre eux ? Non, car la plupart de ces personnes, elle ne les auraient pas trouvées autrement. Alors, basta avec ces idées que la plongée d'un journaliste dans un monde qui n'est pas le sien, c'est comme un "photographe de guerre qui laisse son appareil pour vivre sous les bombardements".

C'est l'histoire d'une journaliste qui veut être lue : et et et alors ?

Aubenas ne juge pas : elle écoute patiemment et elle retranscrit, d'une manière honnête et vraie. Elle n'essaie pas de faire de la littérature, et on sent pourtant qu'elle pourrait. La valeur de son travail est là-dedans : elle se met à l'arrière-plan pour présenter ce monde, délicatement, et de la manière la plus digeste possible pour nous, lecteurs fragiles et sensibles, qui pouvons cracher les 20 euros que coûtent le livre.


Florence ne fait pas un trip bourgeois, mais j'apprécie le fait qu'elle ait clairement écrit pour être lue : son livre est concis, pratique, ses histoires mémorisables et sa prose directe. Elle veut être lue par les bourgeois, par les élites, par les lettrés, par les politiques, par ses confrères, par vous, et par moi. Et c'est bien.

C'est l'histoire d'une journaliste qui veut être lue parce qu'elle a rassemblé les témoignages de ceux qui n'ont pas de voix

Le livre de Florence Aubenas est un rassemblement à la fois élégant et fort de constats, souvent frappants, sur la société actuelle, dont le leitmotiv est une humilation des personnes tellement permanente qu'elle est devenue un système. Avoir lu cet ouvrage, avoir vécu, avoir ouvert les yeux et refuser cet état des lieux revient à se cacher derrière son petit doigt. Merci, Florence, de nous montrer, par exemple, qu'une jeune femme de 25 ans a dit ceci l'année dernière :
"C'est du donnant-donnant avec le patron. Il faut savoir rester en bas pour réussir"
Nombre d'entre vous auront d'ailleurs vécu, directement ou indirectement, cette même humiliation : elle se décline sous de nombreuses formes. Je l'ai vécue pendant au total 7 mois de ma vie. Et j'ai de la chance :

Là je vais faire dans l'intimisme,
Et c'est tant pis

Je ne connais pas directement le monde des demandeurs d'emploi, sauf à dire que je m'approprie l'expérience de mon père en la matière, ce qui serait une gajeure. Je vivais seule et je travaillais quand il a perdu son emploi. J'étais hors du nid : j'ai moins senti sa chute.

Le Quai de Ouistreham a résonné en moi pour d'autres raisons, parce qu'il m'a remémoré d'autres sans-voix dont j'ai fait partie : celui des chômeurs en sursis d'une usine de logistique de Châteauroux. Châteauroux, mais c'est où ? C'est le gros point rouge, là :



Eh oui, trois (longs) étés de ma vie, pendant que mes copines de fac allaient se faire dorer à Antibes ou faisaient des stages non-rémunérés dans la boîte du copain de leur papa (ce qui me paraîssait un luxe merveilleux), j'ai fait les équipes dans un de ces grands hangars sans air conditionné, avec les quais à camions à l'arrière. Comme ça, je payais  partiellement mon prêt d'études de l'année précédente et j'engrangeais suffisamment pour ne pas devoir travailler du tout pendant l'année universitaire et me concentrer sur mes études sans trop dépendre de mes parents.

La société pour laquelle je travaillais était une boîte de logistique "à flux tendus" qui pourvoyait plusieurs chaînes de boutiques françaises. Les fringues moches et bon marché arrivaient de Chine, d'Inde ou du Sri Lanka, les boîtes étaient déballées, les fringues souvent puantes étaient étiquetées, puis remises dans des boîtes elles-mêmes rangées dans des grandes allées où les préparateurs de commandes venaient les chercher, avec des grands chariots qui pèsent des tonnes. Puis le tout était contrôlé et réexpédié par camion dans l'une des nombreuses boutiques. Parfois, les cartons livrés de Chine ou d'ailleurs contenaient de la merde. Ça faisait marrer certains. D'autres y voyaient sans doute à raison la misère des ouvriers de là-bas qu'on ne laissait, nous le supposions, pas aller aux toilettes et qui faisaient ce qu'ils pouvaient.

Un été, j'ai fait de l'étiquetage de "pendus" (vêtements sur cintres), debout toute la journée. Les deux étés précédents, j'avais tiré la floche de la préparation de commandes, que tout le monde appellait "tirage", parce qu'il faillait tirer ces chariots monstrueux. Et j'avais de la chance : j'étais étudiante et c'était temporaire. Et j'avais de la chance : j'étais étudiante en droit et je pouvais envoyer la sous-chef à la con se faire voir chez les Grecs quand elle m'aboyait que je ne pouvais pas aller aux toilettes avant d'avoir terminé de préparer ma commande (ce qui peut prendre un heure, voire, plus). Evidemment, j'y allais, parce que je savais qu'un employeur n'a pas le droit de restreindre ton accès aux pissoirs. Et évidemment, aujourd'hui encore, j'emmerde cette grosse poufiasse qui démontrait parfaitement qu'il n'y a rien de pire dans l'espèce humaine qu'un petit chef :


Petits chefs, je vous emmerde tous (enfin, presque) : vous êtes l'électricité dans les tuyaux du pouvoir, vous transmettez les ordres, vous êtes les garants de l'ordre établi surtout quand l'ordre établi pue.
Aaah, ça fait du bien de le dire.

Mais les employés permanents, ceux qui étaient là tout le temps, avec des CDD ou des CDI, n'allaient pas aux toilettes, ils se laissaient faire par la petite cheftaine qui ne se sentait plus pisser. Ils se laissaient faire aussi quand on leur demandait de travailler l'équipe de l'après-midi un jour, et puis celle du matin successif, ce qui ne leur donnait que huit heures entre une journée de travail et la suivante, au lieu des 11 heures minimum qui étaient déjà obligatoires. Etc, etc, etc. Et tout ça pour le SMIC. Et tout ça, c'était merveilleux, parce qu'ils avaient de la chance, se disaient-ils. Il y en avait mille qui attendaient à la porte pour prendre leur boulot s'ils dépassaient la ligne jaune et demandaient le respect de leurs droits.

Ces mille-là, je ne les ai jamais vus, ni quand j'entrais ni quand je sortais de ce putain d'enfer, où les seuls à avoir l'air conditionné étaient les employés de bureau, les ordinateurs et les POUBELLES.

Et j'ai de la chance : maintenant, j'ai un blog et j'ai le temps de lire Le Quai de Ouistreham.

Et jamais, au grand jamais, je n'entre dans aucune des boutiques où on vend des fringues bon marché. Je vous assure que je préfèrerais me ballader en pyjama plutôt que de faire vivre ces gens-là. Plutôt à poil que dans leur merde.

A bientôt.

I.O.

P.S. : un grand merci à Florence Aubenas si d'aventure elle lit ces lignes.



1 août 2010

Banksy : keep your coins, I want change

Il y a quelques semaines, autant dire en plein milieu de l'ère grecque de l'histoire de l'Interweb, je vous avais goupillé une petite galerie des oeuvres de Banksy, en pensant sortir un billet vous présentant le célèbre graffitiste britannique deux jours plus tard.

Puis la vraie vie m'a soudainement tapé sur l'épaule et m'a ordonné de soulever mon auguste derrière, ce que j'ai fait avec plaisir, vu qu'à ce moment là un fauteuil de jardin me servait de chaise de bureau. Aaah : mal de dos !



Me revoilà, toujours dépourvue d'un siège confortable, mais avec une envie d'écrire ce billet sur Banksy qui me démange. Et tant pis pour le mal de dos !


Underground, comme un rat

Si vous etes de bons élèves assidus, vous aurez remarqué que de temps à autre, je me plains à voix BASSE, parce que, oui, je suis juste un chouïa quelque peu ENERVÉE du manque de qualité de la vie en Grande-Bretagne.

Cela ne m'empêche pas, une ou deux fois par an, d'ouvrir les yeux sur les talents britanniques qui essaient de fleurir, et de redécouvrir les artistes plus établis, dont certains se recréent éternellement malgré la stagnation ambiante. "Artistes" : vous savez donc déjà que je ne vous parle pas de Damien Hirst, qui est pour moi le symbole du produit lourdingue étudié afin d'attirer l'attention des traders obsédés par ce que l'art peut "apporter" à leur High Net Worth. Ni de Guy Ritchie, pour lequel j'ai un petit peu plus d'affection, mais bon, qui est quand même assez gâté que pour faire des films (seulement avec des mecs, le pauvre) dans lesquels tous les dialogues semblent débités par la même personne.

Je trouve qu'au Royaume-Uni, comme presque partout en Occident, le meilleur est bien souvent underground, à moitié légal, fou, outsider, intello et arraché à la fois. Et surtout mais surtout, il n'est pas déprimant, mais au contraire à la fois réaliste et plein d'espoir. Il pointe sur ce qui cloche avec poésie et lucidité. On sent la douleur de l'artiste, mais aussi son manque de désir de se poser comme supérieur et juge. Et le meilleur symbole de ce mouvement, pour moi, c'est Banksy, dont la signature sur les murs de Bristol et de Londres est désormais légendaire. Banksy assume son profil underground; d'ailleurs, l'un des thèmes récurrents de ses graffitis sont les rats.


Qui est Banksy ?

Graffitiste pseudonyme
Banksy résume son constat cinglant sur le monde en jetant de la peinture sur les murs publics, de manière à la fois folle mais aussi réfléchie, sensible, mûre, chic et - oui - sexy. Ce faisant, il commet des actes illégaux, mais il ne le fait pas au hasard. Banksy exploite sa tribune comme un maître. Il a des choses à dire, il veut notre attention et il l'obtient, tout ca, sans que nous sachions qui il est.


Indices
Nous avons bien quelques indices, mais si peu, finalement, pour quelqu'un qui a commencé a laisser sa marque au début des années '90. De toute évidence, il vient de Bristol, puisque c'est là qu'il a débuté.

Certains disent qu'il est né en 1974 et qu'il était apprenti-boucher quand il a commencé à poser ses graffitis partout avec ses potes de DryBreadZ Crew. Certains disent que son vrai nom est Robert Gunningham ou Robin Banks, ou p'tet Robden. Mais cela n'a jamais été confirmé.

Pas mal d'insiders connaissent sans doute sa véritable identité, mais ils l'aiment assez pour faire ce qu'il leur a demandé: fermer leur gueule et ne pas la divulguer.

Interview
Il a donné une seule interview, en 2003 à Simon Hattenstone du Guardian, ce qui l'a de toute évidence dégouté des journalistes pour toujours. Je vous recommande absolument de la lire si vous kiffez le personnage. Il y a dit pas mal de choses : celle dont je me souviens le mieux, car tellement inattendue, est qu'il a décidé d'utiliser la méthode des pochoirs dans ses grafittis parce qu'il se sentait trop nul avec une bombe à peinture. Euh... for the record: j'aimerais etre nulle comme lui.

Il y a également dit qu'il avait commencé à faire des graffitis à quatorze ans simplement parce "mettre ton nom sur quelque chose qui ne t'appartient pas le rend tien. Tu peux posséder la moitié de la ville juste en mettant ton nom partout", comme ces étiquettes sur les cahiers de classe ou les vêtements à l'école.

Influences : Blek-le-Rat, Crass
Parce qu'il utilise pas mal la technique des pochoirs, il a été comparé à Blek-le-Rat qui opérait à Paris au début des années '80, ainsi qu'aux membres du groupe anglais punk-anar (désolée, je refuse d'utiliser le qualificatif "anarcho-punk", que je soupconne d'avoir été inventé par des sociologues hem... coincés) Crass.  Ces jeunes gens de Crass, pas trop hyper-satisfaits du monde qui les entouraient, "stencilaient" les rames du métro londonien à la fin des années '70 (ils ont aussi fait une grosse blague à Margaret Thatcher et Ronald Reagan pendant la guerre des Malouines, mais c'est une histoire que je vous raconterai une autre fois).
.

Should it stay or should it go ?

Banksy ne demande à personne de payer pour jouir de son talent : il n'utilise aucunement ses droits d'artiste sur ses propres oeuvres. Il a un site web, mais il n'y vend rien. Comme il le fait dire au sans-abri qui fait la manche dans l'une de ses oeuvres majeures, reproduite au début de cet article:
"Keep your coins, I want change"
("Garde tes pièces, ce que je veux, c'est du changement")
Pour vous montrer l'humour du type, à la page "Shop" de son site (si, si : allez la voir) on peut lire ceci :

 "Banksy ne fournit pas de cartes de voeux ni de gravures sur toile. Il ne travaille pas sur commission ni ne vend de bagels sortis tout frais du four. Prenez tout ce qui vous plaira sur ce site, et faites-en votre chose (usage uniquement non commercial, merci)."

"Échanges et service des réclamations: pestcontroldept@googlemail.com"

"Banksy n'est pas sur facebook/twitter/myspace etc"
J'admire Banksy parce qu'il laisse le monde qui l'entoure décider de garder ou de jeter son message. Un peu comme un blogueur... Et comme un blogueur qui craint que son travail soit jeté aux oubliettes, Banksy a peur que nous decidions de nous débarrasser de ses graffitis, en ordonnant à nos employés de voirie de les couvrir de chaux. Il a d'ailleurs fait plusieurs fresques magistrales sur ce thème :



Qui aurait envie de recouvrir ca, grrr, si ce
n'est l'employé de la voirie forcé par son chef ?





L'air du temps ?
Sur Bansky, une question me tarraude : de quoi vit-il ? Il n'est surement pas un ange, qui vit de l'air du temps et du sourire des passants.

Il a bien accepté quelques commissions, comme de faire la couverture de l'album Think Tank de Blur, et des fresques aux Etats-Unis. Il a aussi réalisé un film "Exit through the gift shop", qui a été présenté au Sundance Festival cette année. Il avait également commencé à vendre ses sculptures; il en faisait deux copies de chaque: une qu'il vendait, une qu'il donnait. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce projet.

Il a dit lors de son interview au Guardian en 2003 que ses parents pensaient qu'il était peintre-décorateur. Ben ouais ! Et moi j'ai dit à ma maman que j'étais juriste, mais en vrai, je suis blogueuse, hein.

A bientôt !





24 juin 2010

Banksy : galerie


Cette galerie illustre mon billet sur Banksy "Keep your coins, I want change" .


LONDRES & BRISTOL


  





 
ISRAEL - TERRITOIRES PALESTINIENS




ETATS-UNIS


7 juin 2010

Journalistes sérieux, je vous kiffe

(Un exemple britannique)

Ami lecteur, me revoilà, toute pimpante et revigorée ! Oui, j'ai passé une semaine merveilleuse à lire des blogs de journalistes défendant les blogueurs, de blogueurs-stars se la jouant modeste et défendant les blogueurs médiocres, de blogueuses sensuelles défendant les blogs pour tous, journalistes ou pas. J'aime être rassurée, entendre que mon blog minable est beau et désirable et qu'il y a un but profond à mes élucubrations parfois délétères. Bon pour mon égo tout ça. Voui voui voui. Le merci !

Mon ôde au journalisme

Mais bon, ça va bien cinq minutes. Si je respire un bon coup et que j'utilise le neurone qui me reste après avoir essayé d'installer Google Analytics (très forte envie de barrer les cinq dernières lettres de ce mot, hem), je dois en déduire qu'il me faut de toute urgence écrire un billet à la gloire du journalisme. Oui, le Huffington Post et tout ça, c'est bien pour remplir le creux d'une dent, mais il faut bien admettre que ça flirte avec le nul quand même. Prétendre faire de l'info avec une équipe journalistique rachitique, c'est de la SF ou du SM. Ça fait du fric, me direz-vous: il y a donc quelque chose de bon à en tirer -> du jus de soussous.

Puis, les blogs indépendants, journaleux ou pas, j'adore, croyez-moi, mais comme on aime un bon vin pour accompagner de la grande cuisine. Et boire du vin sans manger, c'est mauvais pour la santé.



Pour me nourir, moi, je veux du billet long du New-Yorker, de l'enquête du New-York Times, de l'article de fond du Monde, et des couvertures sans filles à poil de Wired (etc). Journalistes sérieux, je vous kiffe, et j'invite fermement le reste du monde à faire de même. Educateurs des masses, transistors des ondes du monde qui bouge trop vite, porte-voix des gentils et des vilains, phares dans la tempête. Vision idéaliste ? Pas du tout, voyons, que du contraire ! J'en rajoute une couche, tiens ! Parfois, journalistes, vous êtes tout bonnement héroiques, si héroiques que vous changez le monde. Et voici un bel exemple:

L'exemple du scandale des notes de frais au Royaume-Uni

Trois journalistes peuvent être crédités d'avoir déterré, et rendu public au printemps 2009, le scandale absolu qu'était la manière dont les Membres du Parlement (MPs)  britannique se rémunéraient eux-mêmes. En faisant cela, ils ont changé la donne des dernières élections législatives, et probablement de toutes les élections qui vont suivre. Mais surtout, ils ont forcé la Grande-Bretagne à commencer d'évaluer son déficit démocratique. Chapeau !

Voyez-vous, ces petits coquins de MPs, plutôt que d'adopter une loi impopulaire augmentant publiquement et légalement leur salaire, s'étaient cocquoctés un petit système de remboursement de notes de frais pas piqué des vers. Tout cela était bien hush-hush, personne n'en savait rien sauf eux. Certains avaient même soutenu qu'il aurait été destructif de modifier ce système, car plus personne ne voudrait plus se présenter comme MP s'il n'y avait pas de petits a-coté juteux si le public pouvait pénétrer dans leur sphère privée en obtenant leurs notes de frais.

Puis, en 2005, le Freedom of Information Act est entré en vigueur, donnant accès, sur demande, aux documents émis par des institutions publiques. Trois journalistes ont immédiatement fait des requêtes de documents à la House of Commons (chambre basse du Parlement) sur les notes de frais des MPs. Leurs noms: Heather Brooke, free-lance  l'époque, Ben Leapman du Daily Telegraph et Jonathan Ungoed-Thomas du Sunday Times. Leur achèvement est tellement immense que la BBC en a fait un film, diffusé en février cette année. Leur combat a pris des années: ils se sont pris moult portes dans la figure et ont dû entamer une action en justice. Entretemps, la House of Commons a même tenté a deux reprises de s'exempter du Freedom of Information Act. Un comble du genre ! "Fais ce que je dis mais ne fais pas ce que je fais". Puis, les journalistes ont gagné, et tout est sorti dans le Daily Telegraph.

Sans la mise en lumière de ces abus, il est probable que les LibDems auraient obtenu beaucoup moins de voix aux élections du 6 mai, et qu'il y aurait eu un gouvernement majoritaire bien fort. Beaucoup plus de "vieux de la vieille" seraient restés au Parlement, qui ont dû être remplacés à la dernière minute par leurs partis parce qu'ils s'étaient rendus trop impopulaires avec leurs abus de notes de frais. En somme, il s'agit là d'une belle bouffée d'air démocratique. Espérons que ça dure .

Heather Brooke est considérée comme la chef de file du combat pour obtenir la transparence du Parlement britannique, parce qu'elle y a passé le plus de temps et mis le plus de moyens. Elle mérite d'être présentée: 

Heather Brooke, activiste du manque de transparence

Il était une fois une jeune femme nommée Heather Brooke. Elle était née aux Etats-Unis de parents britanniques, et était devenue journaliste, d'abord à Olympia, dans l'Etat de Washington, puis en Caroline du Sud. A la fin des années 90, après avoir couvert plus de 300 meurtres pour le Spartanburg Herald-Journal, elle était vannée, et décida de rejoindre son père, qui était reparti vivre au Royaume-Uni après la mort de sa femme. 

C'est le merveilleux article du New-Yorker du 7 juin 2010, Party Games, dont vous pouvez trouver un extrait ici, qui m'a fait redécouvrir Heather, dont j'avais vaguement entendu le nom l'an dernier, quand le scandale des notes de frais des parlementaires britanniques avait été mis à jour.

Lorsqu'elle était journaliste aux Etats-Unis, Heather faisait souvent des requêtes de documents publics, et avait pris l'habitude... de les obtenir facilement.

Après son arrivée au Royaume-Uni, c'est un problème dans son voisinage qui lui a fait découvrir le manque de transparence (euphémisme) des institutions locales et nationales. Précisons quand même que pour gérer ce problème de voisinage, elle a utilisé tous les trucs qu'elle avait appris en tant que journaliste pro

En 2003, une jeune femme avait été assassinée dans son parc local, et Brooke avait demandé à la police et aux autorités locales des informations chiffrées sur les crimes similaires dans le quartier. Elle y mis beaucoup de temps, de patience et d'énergie et obtint... que dalle. Puis, plutôt que de devenir gaga et de broyer du noir, elle décida d'écrire un livre expliquant aux britanniques comment utiliser le Freedom of Information Act qui allait entrer en vigueur deux ans plus tard.

De là à s'intéresser aux notes de frais des parlementaires, il n'y avait qu'un pas. Grâce à son succès dans ce combat, elle a obtenu plusieurs prix, et a pu écrire son nouveau livre "The Silent State".

Voilà, c'était ma modeste présentation d'un bien joli combat pour la transparence, et contre la condescendance des élites gérant le pays. Un combat mené par des journalistes, et il y a plein d'autres exemples.

Journalistes : continuez, moi, je ne peux pas vivre sans vous.

A bientot !
Isabelle Otto



Quelques références:
The Real Hero Of The Expenses Scandal , Mail Online
Dernier article de Heather Brooke, dans Wired, Investigation : a sharp focus on CCTV 
Retrouvez Heather Brooke sur Twitter.

28 mai 2010

Florence Desruol : Gouroute des Twitterholiques Anonymes ?

Ma spécialité, c’est plutot de mâcher des bouts de papier très lourds et peu ragoûtants et d’essayer d’en sortir des informations digestes pour ceux qui veulent bien (ou parfois, sont bien obligés de) me lire ou m’écouter. Alors, pourquoi ai-je eu l’idée saugrenue, oui, je me le demande, de faire une chose dont je ne sais rien : faire une interview ?

Concours de pipelettes ?

Interviewer, ca veut dire LAISSER PARLER quelqu’un d’autre, ce qui n’est pas évident quand on est une pipelette comme moi. Mais, il y a des gens qui quand ils parlent, et bien, je les écoute. Et Florence Desruol est top of the list. Car Florence, qui passe une grande partie de son temps à tweeter, a en fait une passion pour PARLER. Elle parle, de tout, de rien, et est aussi généreuse In Real Life ("dans la vraie vie") que dans ses tweets. Elle aime aider et donner. Elle distribue l’info comme une pluie rafraîchissante.

Ça fait qu’au total, et bien, au concours de pipelettes, je ne sais pas laquelle des deux bat l’autre ! Mais on peut dire sans trop se risquer que nos opérateurs téléphoniques respectifs sont contents, oui, très contents que @FlorenceDesruol et @IsabelleOtto papotent malgré la Manche qui les sépare et sont sorties du carcan des 140 caractères imposés par Twitter.

Je ne vais pas vous faire un long portrait de Florence. Vous savez probablement déjà qu’elle est incontournable sur Twitter France, comme le dit bien William Rejault ici. D’ailleurs, même si vous ne la followez pas, vous avez nécessairement sur votre Time Line (TL) des tweets en provenance directe des recoins secrets d’où elle tire ses informations à la sauce geekette, lol, féline ou complètement rocambolesque, en fonction de son humeur.

Une petite précision à mon tweetpote lyonnais, @idiot_duvillage, avant de commencer: Florence est bien lyonnaise et non pas arlésienne ! Pour le reste, je laisserai Florence peindre son propre portrait en utilisant la toile de mes questions .

I.O. Alors, tu existes vraiment ? (je te demande cela, parce qu'il paraît que certains ont suggéré que tu étais en fait un collectif de tweeteurs - il y a des théories similaires au sujet de Shakespeare: tu es en bonne compagnie, quoi ;-)
F.D. Oui bien sûr tu sais que j’existe! Je peux aussi confirmer que je suis seule à gérer le compte @Florencedesruol, que je ne suis PAS payée pour tweeter et que je ne paie personne pour le faire non plus. Quelques esprits chagrins dont je tairai le nom (bien que ca me gratte vachement de les balancer) ont dit le contraire, et je suis heureuse de pouvoir éclaircir cette affaire.

I.O. Si je mettais un p'tit fond musical pour les joyeux lurons qui vont lire ton itw sur mon blog, tu choisirais quoi?
F.D. J'aime bien les classiques des années 60/70 comme, par exemple, les Rolling Stones et David Bowie, mais aussi Iggy Pop, Led Zeppelin et plein d'autres. J’aime aussi les artistes indépendants d'aujourd'hui comme Robert Pollar, The Teenagers, The New Pornographers, Arcade Fire, the Besnard Lakes, Caribou, the Antlers, Animal Collective, Black Keys, etc. En revanche, j'ai beaucoup de mal avec MGMT et Vampire Week-End; je les trouve surfaits, quasi folkloriques.

Et puis, je joue du piano donc j’aime aussi la musique classique.

I.O. Super, alors, je te choisis deux morceaux qui vont bien ensemble, à mon avis: « Life on Mars ? » de David Bowie et le deuxième mouvement du deuxième concerto pour piano de Rachmaninoff :






I.O. Facebook, Twitter, blabla : c'est tout des trucs pour les "no-life", non?
F.D. Pas d’accord ! Si on sait les utiliser sans excès et en tirer le côté positif, c’est le contraire de la no-life (« vie fantôme »). Cela dit, ça fait longtemps que j'aurais effacé mon compte Facebook, s'il ne rassemblait pas quelques copains d’ « avant » : ceux qui étaient avec moi à l’école et pendant mes études, ceux que j’ai rencontrés lors de voyages ou au boulot. Ce sont en général des gens que je ne vois pas souvent mais que j'apprécie. Facebook m'a permis de les retrouver et de rester en contact avec eux. Sur ce compte, j’ai aussi accepté quelques twittos auquels je fais confiance, mais je t’avoue que depuis j'en ai viré quelques-uns par déception. Mon réseau professionel, tout comme ma famille et mes proches, ne sont pas sur mon Facebook.

Twitter, c'est un outil intelligent, un flux d'info. Ça me permet surtout de discuter directement avec des journalistes, des politiques, des publicitaires, des étrangers ou des expats comme toi, de m'enrichir de ces rencontres url mais aussi IRL, et des infos que j'y rassemble. C'est aussi mon seul outil d'expresion sur Internet, je n'en utilise pas d'autre: je n'ai pas de blog et je ne mets jamais de commentaires sous les billets des autres ou sous les articles des journaux.

I.O. Comment es-tu arrivée sur Twitter ? (Moi j’y suis arrivée par la musique; un des premiers comptes que j’ai suivis était celui de Luc Vinogradoff, critique musical au Monde)
F.D. Au début, j'y suis allée pour rejoindre deux amis américains qui m’ont presque forcée... C’était LE truc à faire aux Etats-Unis à ce moment là ! Puis j’y ai entrainé @cyrilpaglino et @toniohhoguel. Au départ, on ne savait pas trop ce qu'on faisait là. Je suis arrivée au moment où Twitter se démocratisait un peu. J’ai eu cette chance. J'ai commencé par suivre @HenryMichel et sa liste de recommandations. Je tweetais essentiellement sur secretstory3, et sur l’actualité,  les buzz de l'automne dernier (le fils de Sarko à l'EPAD, Frédéric Mitterand et ses voyages en Thailande...), puis j'ai cherché à faire différent en allant lire les billets anglo-saxons.

J'ai été vite associée à @xternisien et @ZaraA. J'ai aussi discuté pas mal avec @JCFeraud, @GillesKLEIN  et d'autres comme @rosselin, @Delphine_D, @nicolasvoisin, @Maxitendance et @PierreTran. J'en ai d'ailleurs rencontré pas mal IRL, et je me suis vite aperçue qu'on se connaissait assez bien: j'ai retrouvé en eux ce que je percevais sur Twitter.

I.O. Colle ici une photo de l'endroit que tu aimes le plus au monde:
F.D. C'est une photo que j'ai postée sur Twitter un joli dimanche de mai:



C'est là mon havre de paix. J'aime aussi beaucoup la côte d'Azur, où j'ai passé toutes mes vacances d'enfance, à Cannes et à Nice. Puis je suis une fan des USA !

I.O. « investir de l’affectif dans des gens qu’on a jamais vus n’est pas porteur » : un concept qui a de l'avenir?
F.D. Même si je le voulais, je pense que je ne réussirais pas à ne pas mettre un peu d'affectif dans Twitter, après tout, il y a de vraies personnes derrière les avatars, il y a des gens que j'aime vraiment retrouver sur ma TL le matin. S'ils ne sont pas là, ils me manquent. Cela dit, il faut faire attention, comme dans la vie d'ailleurs, parce qu'il y a aussi beaucoup de déceptions potentielles au tournant.

I.O. Tu kiffes plus Indiana Jones ou Robin Des Bois ?
F.D. Hihi, je n'aime pas trop les heros, tu sais. J'aime admirer les gens qui ne se rendent pas compte à quel point ils sont bons à faire certaines choses, ou ceux qui s'améliorent avec le temps. D'ailleurs, dans mon adolescence, je n'avais pas de posters de chanteurs ou d'acteurs sur les murs de ma chambre! Pour moi, le charme compte beaucoup, ainsi que la sensibilité et la bienveillance, la générosité et l'humour.

I.O. Pour ton anniversaire: pique-nique au champagne ou bungee jumping?
F.D. Bungee ?? C'est quoi ? Je suis très champagne et pas du tout camping. Voilà .
I.O. Ah Ah ! Camping ? C'est quoi ?

I.O. La télé, tu la regardes encore ou tu la mets juste pour ton chat?
F.D. Pour mon chat, comment l'as-tu deviné? Je devrais sans doute la regarder plus, mais si je le faisais, je ne regarderais pas de films: je préfère les talk-shows, les débats, les vrais trucs, quoi. J'aime bien la Ligne Jaune de @guybirenbaum sur Arrêt Sur Images, donc sur... Internet !! Eh oui, que veux-tu? Internet c'est trop bien . D'ailleurs, Parlons Net de @DavidAbiker est super aussi .

I.O. Pourquoi t'es pas allée vivre à Paris comme tout le monde? A cause des crottes de chien?
F.D. Mais non, voyons ! Paris, j'y ai vecu pendant sept ans et j'adore !!

I.O. Les femmes sur le web 2.0: des mouches ou des araignées?
F.D. Elles ne tissent pas leur toile ensemble, elles sont dispersées, pas comme les mecs qui font leur petites confréries sérieuses ou rigolotes, ou les deux en même temps, en fonction. Puis je trouve qu'en moyenne, on ne les prend pas au sérieux: il y a beaucoup de sexisme, comme dans la vraie vie. J'en ai d'ailleurs moi-même fait les frais.

I.O. Beaucoup de followers: un poids ou une émancipation?
F.D. Ça fait très plaisir, je ne vais pas te dire le contraire, mais c'est aussi une responsabilité. On me dit que c'est la rançon de la gloire. Mais je ne suis pas d'accord, parce que je ne suis pas vraiment une star de Twitter: personne ne me retweete aveuglément, je n'ai pas de "fan club". Je ne vois pas trop ou est la gloire, quoi...

Je me fais aussi attaquer, une autre des rançons de la gloire on me dit, comme si le nombre d'attaques augmentait nécessairement avec le nombre de followers. Mais je remarque souvent que les hommes qui ont un profil élévé ou les femmes journalistes ne sont pas attaquées de la sorte. En France, Twitter a été une sorte de chasse gardée des journalistes pendant longtemps, et les non-journalistes comme toi et moi qui font tourner l'info, j'ai l'impression que ça en énerve certains, comme si on leur faisait de la concurrence déloyale.

I.O. Je suis spécialiste de droit de la concurrence, et je peux te confirmer qu'il ne s'agit pas de concurrence déloyale. Au contraire: une injection saine d'idées nouvelles aide tout le système, comme nombre de journalistes le reconnaissent, d'ailleurs.

F.D. Je note également que dans la catégorie "fille qui tweete", celles qui sont clairement là pour y trouver un/des mecs ne sont pas trop attaquées non plus... ;) 

Enfin, beaucoup de followers, ça réduit nécessairement les échanges humains, mais il faut dire que je me rattrappe bien par Messages Privés, ou au téléphone si affinités. Comme tu le sais, j'adore parler au téléphone !

I.O. C'est quand que tu viens me rendre visite à Londres?
F.D. Soon very soon. Et toi?




Bon ben voilà, une belle interview, qui m’a gagné une jolie invitation pour aller boire du champagne à Lyon. Merci, Florence ! Ici Londres, à vous les studios.

A bientôt !


Isabelle Otto