1 août 2010

Banksy : keep your coins, I want change

Il y a quelques semaines, autant dire en plein milieu de l'ère grecque de l'histoire de l'Interweb, je vous avais goupillé une petite galerie des oeuvres de Banksy, en pensant sortir un billet vous présentant le célèbre graffitiste britannique deux jours plus tard.

Puis la vraie vie m'a soudainement tapé sur l'épaule et m'a ordonné de soulever mon auguste derrière, ce que j'ai fait avec plaisir, vu qu'à ce moment là un fauteuil de jardin me servait de chaise de bureau. Aaah : mal de dos !



Me revoilà, toujours dépourvue d'un siège confortable, mais avec une envie d'écrire ce billet sur Banksy qui me démange. Et tant pis pour le mal de dos !


Underground, comme un rat

Si vous etes de bons élèves assidus, vous aurez remarqué que de temps à autre, je me plains à voix BASSE, parce que, oui, je suis juste un chouïa quelque peu ENERVÉE du manque de qualité de la vie en Grande-Bretagne.

Cela ne m'empêche pas, une ou deux fois par an, d'ouvrir les yeux sur les talents britanniques qui essaient de fleurir, et de redécouvrir les artistes plus établis, dont certains se recréent éternellement malgré la stagnation ambiante. "Artistes" : vous savez donc déjà que je ne vous parle pas de Damien Hirst, qui est pour moi le symbole du produit lourdingue étudié afin d'attirer l'attention des traders obsédés par ce que l'art peut "apporter" à leur High Net Worth. Ni de Guy Ritchie, pour lequel j'ai un petit peu plus d'affection, mais bon, qui est quand même assez gâté que pour faire des films (seulement avec des mecs, le pauvre) dans lesquels tous les dialogues semblent débités par la même personne.

Je trouve qu'au Royaume-Uni, comme presque partout en Occident, le meilleur est bien souvent underground, à moitié légal, fou, outsider, intello et arraché à la fois. Et surtout mais surtout, il n'est pas déprimant, mais au contraire à la fois réaliste et plein d'espoir. Il pointe sur ce qui cloche avec poésie et lucidité. On sent la douleur de l'artiste, mais aussi son manque de désir de se poser comme supérieur et juge. Et le meilleur symbole de ce mouvement, pour moi, c'est Banksy, dont la signature sur les murs de Bristol et de Londres est désormais légendaire. Banksy assume son profil underground; d'ailleurs, l'un des thèmes récurrents de ses graffitis sont les rats.


Qui est Banksy ?

Graffitiste pseudonyme
Banksy résume son constat cinglant sur le monde en jetant de la peinture sur les murs publics, de manière à la fois folle mais aussi réfléchie, sensible, mûre, chic et - oui - sexy. Ce faisant, il commet des actes illégaux, mais il ne le fait pas au hasard. Banksy exploite sa tribune comme un maître. Il a des choses à dire, il veut notre attention et il l'obtient, tout ca, sans que nous sachions qui il est.


Indices
Nous avons bien quelques indices, mais si peu, finalement, pour quelqu'un qui a commencé a laisser sa marque au début des années '90. De toute évidence, il vient de Bristol, puisque c'est là qu'il a débuté.

Certains disent qu'il est né en 1974 et qu'il était apprenti-boucher quand il a commencé à poser ses graffitis partout avec ses potes de DryBreadZ Crew. Certains disent que son vrai nom est Robert Gunningham ou Robin Banks, ou p'tet Robden. Mais cela n'a jamais été confirmé.

Pas mal d'insiders connaissent sans doute sa véritable identité, mais ils l'aiment assez pour faire ce qu'il leur a demandé: fermer leur gueule et ne pas la divulguer.

Interview
Il a donné une seule interview, en 2003 à Simon Hattenstone du Guardian, ce qui l'a de toute évidence dégouté des journalistes pour toujours. Je vous recommande absolument de la lire si vous kiffez le personnage. Il y a dit pas mal de choses : celle dont je me souviens le mieux, car tellement inattendue, est qu'il a décidé d'utiliser la méthode des pochoirs dans ses grafittis parce qu'il se sentait trop nul avec une bombe à peinture. Euh... for the record: j'aimerais etre nulle comme lui.

Il y a également dit qu'il avait commencé à faire des graffitis à quatorze ans simplement parce "mettre ton nom sur quelque chose qui ne t'appartient pas le rend tien. Tu peux posséder la moitié de la ville juste en mettant ton nom partout", comme ces étiquettes sur les cahiers de classe ou les vêtements à l'école.

Influences : Blek-le-Rat, Crass
Parce qu'il utilise pas mal la technique des pochoirs, il a été comparé à Blek-le-Rat qui opérait à Paris au début des années '80, ainsi qu'aux membres du groupe anglais punk-anar (désolée, je refuse d'utiliser le qualificatif "anarcho-punk", que je soupconne d'avoir été inventé par des sociologues hem... coincés) Crass.  Ces jeunes gens de Crass, pas trop hyper-satisfaits du monde qui les entouraient, "stencilaient" les rames du métro londonien à la fin des années '70 (ils ont aussi fait une grosse blague à Margaret Thatcher et Ronald Reagan pendant la guerre des Malouines, mais c'est une histoire que je vous raconterai une autre fois).
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Should it stay or should it go ?

Banksy ne demande à personne de payer pour jouir de son talent : il n'utilise aucunement ses droits d'artiste sur ses propres oeuvres. Il a un site web, mais il n'y vend rien. Comme il le fait dire au sans-abri qui fait la manche dans l'une de ses oeuvres majeures, reproduite au début de cet article:
"Keep your coins, I want change"
("Garde tes pièces, ce que je veux, c'est du changement")
Pour vous montrer l'humour du type, à la page "Shop" de son site (si, si : allez la voir) on peut lire ceci :

 "Banksy ne fournit pas de cartes de voeux ni de gravures sur toile. Il ne travaille pas sur commission ni ne vend de bagels sortis tout frais du four. Prenez tout ce qui vous plaira sur ce site, et faites-en votre chose (usage uniquement non commercial, merci)."

"Échanges et service des réclamations: pestcontroldept@googlemail.com"

"Banksy n'est pas sur facebook/twitter/myspace etc"
J'admire Banksy parce qu'il laisse le monde qui l'entoure décider de garder ou de jeter son message. Un peu comme un blogueur... Et comme un blogueur qui craint que son travail soit jeté aux oubliettes, Banksy a peur que nous decidions de nous débarrasser de ses graffitis, en ordonnant à nos employés de voirie de les couvrir de chaux. Il a d'ailleurs fait plusieurs fresques magistrales sur ce thème :



Qui aurait envie de recouvrir ca, grrr, si ce
n'est l'employé de la voirie forcé par son chef ?





L'air du temps ?
Sur Bansky, une question me tarraude : de quoi vit-il ? Il n'est surement pas un ange, qui vit de l'air du temps et du sourire des passants.

Il a bien accepté quelques commissions, comme de faire la couverture de l'album Think Tank de Blur, et des fresques aux Etats-Unis. Il a aussi réalisé un film "Exit through the gift shop", qui a été présenté au Sundance Festival cette année. Il avait également commencé à vendre ses sculptures; il en faisait deux copies de chaque: une qu'il vendait, une qu'il donnait. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce projet.

Il a dit lors de son interview au Guardian en 2003 que ses parents pensaient qu'il était peintre-décorateur. Ben ouais ! Et moi j'ai dit à ma maman que j'étais juriste, mais en vrai, je suis blogueuse, hein.

A bientôt !





10 commentaires:

a dit…

Je conseille fortement "Wall and Piece" qui regroupe beaucoup de ses visuels et quelques textes qui valent bien mieux que cette interview pas terrible au Guardian.
Il y raconte notamment qu'il s'est mis aux stencils a l'age de 18 ans pour reduire le temps qu'il passait a peindre, apres avoir failli se faire choper par les forces de l'ordre alors qu'il essayait de peindre "LATE AGAIN" en lettres geantes sur un train, et passe une heure sous un camion pour leur echapper. C'est la qu'il a remarque le numero de serie peint au pochoir sous le reservoir et realise qu'il pouvait copier l'idee.
Bref, je conseille le bouquin, parce que cette interview et naze et ne rend pas hommage a son intelligence creative et son sens de l'humour !
(desolee pour le long commentaire...)

Océane a dit…

Je découvre, merci donc :)

Gilles Mioni a dit…

Éperdus sommes,
Peut-être insanes !
Si pauvre Homme,
Seul, et qui flâne.

a dit…

Au fait, le premier stencil n'est pas de Bansky, mais de Meek, un street artist australien.

http://youthoughtwewouldntnotice.com/blog3/?p=89

polysémiste a dit…

Beau travail (-:

[Enikao] a dit…

Et à propos de graffitis et d'inscriptions murales : ça ne date pas d'hier. Pas seulement de Lascaux, hein. Exemple à Pompéi.

http://www.smithsonianmag.com/history-archaeology/Reading-the-Writing-on-Pompeiis-Walls.html?c=y&page=1

Isabelle Otto a dit…

Merci à tous pour vos commentaires, en particulier à Gé pour sa recommandation du livre "Wall and Piece" de Banksy :
http://www.randomhouse.co.uk/minisites/banksy/

Je l'ai pas lu, ni mentionné, vu que mon but n'était autre que de présenter Banksy aux profanes.

Le premier graffito serait de Meek ? Ca serait un beau fail de ma part ;). Je l'ai pourtant trouvé dans plusieurs listes de photos de graffitis de Banksy... Je vais revérifier, évidemment.
I.O.

a dit…

Merci a toi pour l'article, surtout, joli boulot, c'est assez rare de voir un vrai texte et pas un repompage de wikipedia, derive facile sur un sujet connu comme celui-ci ! As-tu vu le film ? Ca a multiplie par 10 l'interet que j'ai pour cet artiste, plein de degres de lecture, et beaucoup d'humour.

AMP a dit…

"le meilleur est bien souvent underground" une règle non ? Je pensais aux difficultés du In d'avignon quand le Off "fait le plein". Merci, j'ai découvert Banksy ici.
AMP

_jvdh a dit…

Merci pour le post et la gallerie. Après quelques années à le suivre du coin de l'oeil, ça m'a aligné les pièces du puzzle. Chouette personnalité d'artiste, drôle et créatif, généreux aussi, l'art gratuit qui nous tombe dessus comme une surprise au coin d'une rue (vécu il y a peu, en vrai, un très grand 'petit bonheur')
Le film downloade en ce moment (je sais c'est mal)